Le tourisme au Sahara : une invention du 20ème siècle.

Cette page est un extrait de l'article Histoire.

L'adrar Ahellakane - Photo : Anthony Nicolazzi.
Cette chaîne de montagnes est située dans la province de Tamanrasset, à 1 200 km au sud d'Alger.

Avec 1 milliard de touristes en 2010, le tourisme c'est  12 % du PIB mondial et plus de 200 millions de personnes directement employées dans ce secteur. C'est une des premières activités économiques de la planète. Cette activité devient particulièrement importante dans les pays du Sud qui en ont fait un composant essentiel de leurs stratégies de développement.

Le Sahara a de tout temps été un territoire particulier.
Le tourisme au Sahara est récent. En 1919, seules les limites nord du Sahara avaient été survolées, et il faudra attendre 1924 pour que la mission Citroën (Croisière Noire) traverse pour la première fois le Sahara en automobile (avec des autochenilles).
Les pistes les plus importantes seront progressivement ouvertes aux « touristes » : la ligne du Hoggar de 1922 à 1929, celle du Tanezrouft en 1923, celle de Mauritanie en 1934.
En 1930, à l’occasion du centenaire de la prise d’Alger, était organisé le premier rallye transsaharien. Son but était de « prouver que la traversée du Sahara est possible pour les automobiles de toutes marques ». Il préfigurait, avec un demi-siècle d’avance, le Paris-Dakar.
La Compagnie Générale Transsaharienne disposera, à partir de 1930, d’un parc d’autobus de luxe équipés de couchettes qui permettront à une clientèle fortunée de pratiquer la chasse au gros gibier. Et la Société Algérienne des Transports Tropicaux (créée en 1933) démarrait un service régulier d’autobus sur la ligne Ghardaïa (600 km au sud d'Alger) - Tamanrasset.
Dans ce contexte de développement des transports et du tourisme, des infrastructures d’accueil seront progressivement mises en place afin d’accueillir les voyageurs et la société Shell installera des postes de ravitaillement en eau et essence tous les 300 ou 400 km sur les axes transsahariens principaux.
Après la seconde guerre mondiale, durant laquelle les infrastructures et les pistes ont été pour la plupart laissées sans entretien, certains axes ont été abandonnés.
En 1955 le « Guide du tourisme automobile au Sahara » s’inquiétait de la disparition possible d’un désert qui désormais, en raison de l’afflux des touristes, ne l’était plus.
Le tourisme au Sahara s’effectue principalement sur la base de prestations identiques à celles du modèle balnéaire : grands hôtels climatisés avec piscines.
Cependant, en Tunisie, Maroc, Algérie, Mauritanie, on assiste à la généralisation de certaines prestations spécifiques au désert, comme des dîners dans les dunes, des campements et bivouacs ou des petites randonnées « bédouines ».
Parallèlement se développent des produits de niche plus ciblés vers l’« aventure » (« raids » en 4x4, quad ou dromadaires), le sport (randonnées pédestres, cyclistes ou équestres), le sport-aventure le ressourcement d’entreprise.
Ce tourisme au Sahara, s’il se développe, pose certaines questions quant à ses effets écologiques, économiques et sociaux.
- Gestion de l’eau : les oasis du sud-tunisien recourent aux nappes fossiles du SASS (Système Aquifère du Sahara Septentrional).  D’après les hydrogéologues, l’exploitation des nappes fossiles au rythme actuel ne permettra pas le maintien de l’activité au-delà du milieu du siècle. Relativisons avec l'exemple de la ville de Tozeur (située à 400 km au sud-ouest de Tunis) : le secteur touristique ne consomme que 5,5 % de l'eau potable contre plus de 70 % pour la consommation des ménages tozeurois et 10 % pour les usages industriels.
- Patrimoine architectural :  il constitue un facteur d’attraction important pour les touristes. L’usage commercial du mythe (l'Orientalisme) se fait au détriment de l’authenticité : dans la mesure où ces « produits artificiels» correspondent à la demande, il n’est plus nécessaire de préserver le patrimoine véritable.
- Patrimoine naturel : Si certains paysages peuvent être protégés, voire valorisés, l’introduction du tourisme peut également entraîner des dégradations importantes accentuées par la contrainte commerciale d’une consommation « confortable » et rapide du Sahara qui conduit à surexploiter les zones proches des hôtels à quatre ou cinq étoiles. Les opérateurs du tourisme n’ont alors plus pour seul choix que de pousser encore plus loin leurs circuits, consommant ainsi l’espace saharien en le banalisant et le détruisant, progressivement mais implacablement.
- Économie : Le tourisme de masse, susceptible de générer le plus de valeur ajoutée (la majorité de la valeur ajoutée est captée par les intermédiaires), accapare des ressources rares au détriment d’autres activités, et n’est donc pas forcément le plus favorable en termes de contribution au développement local. Les achats d’artisanat sont faibles et concernent principalement de l’artisanat « industriel » en provenance de lieux de production éloignés. Le tourisme au Sahara demeure pour l’essentiel un sous-produit du tourisme balnéaire et se décline principalement sous la forme d’excursions de durée limitée. Les emplois salariés créés sont le plus souvent précaires, saisonniers et mal rémunérés. L’impact économique réel au niveau local est considérablement inférieur à celui que l’on pourrait estimer à partir des dépenses des touristes.
- Culture : les populations vivant dans les zones sahariennes, et particulièrement dans les oasis, ont bâti des systèmes anthropiques spécifiques qui sont de bons exemples d’un développement durable construit en harmonie avec une nature extrêmement contraignante autour de cultures, d’identités et de relations sociales fortes, établies au fil des siècles. Malgré une volonté affichée d’éthique et de bonne pratique, on ne peut qu’être dubitatif sur l’impact réel de cette introduction répétée de consommateurs du nord au pouvoir d’achat considérable et à la culture dominante au sein de communautés particulièrement vulnérables.

D'après un article de CAIRN.INFO : Le tourisme au Sahara : pratiques et responsabilités des acteurs.


Reproduction de peintures du Tassili.